Bandes dessinées, Historiques

Brûlez Moscou

« Ça, Messieurs, Madame, c’est l’arme suprême, celle qui va définitivement éliminer Napoléon et sauver la Russie et l’Europe de son joug ! Grâce à elle, le tyran français n’entrera pas dans Moscou, croyez-moi ! »

Kid Toussaint, Stéphane Perger, Brûlez Moscou, Éditions du Lombard, 2018, p. 49.

Motivations initiales

Voilà une couverture qui attire l’œil ! Sur un fond jaune orangé, tirant à certains endroits sur le rouge – Moscou est en flammes ! -, un personnage, sombre. Sombre d’abord parce qu’il est effectivement représenté dans des teintes plus assourdies, mais également parce que tout, dans son attitude – tête baissée, épaules affaissées comme s’il portait toute la misère du monde sur les épaules -, et dans son équipement – un bâton qu’il brandit comme une arme, une chaîne et des fers dans l’autre main – donne à penser que ce personnage est tragique… C’est bien assez pour que cette bande dessinée passe de l’étal du libraire à notre sac…

Synopsis

Quand, en septembre 1812, Napoléon occupe Moscou, après avoir poursuivi, souvent sans lui avoir porté de coups décisifs, l’armée russe qui refluait en pratiquant la politique de la terre brûlée, il pense avoir fait le plus dur. Mais c’est sans compter avec les capcités infinies de résistance de ce peuple. Le comte Rostopchine, gouverneur de Moscou, décide de sacrifier la ville pour sauver le pays. Tout est évacué – les troupes, mais également les vivres, le matériel… jusqu’aux pompes à incendie -, puis, avant de quitter les lieux, il libère tous les criminels retenus dans la prison de l’Ostrog, comptant sur eux pour « voler, piller, tuer et incendier ». C’est donc dans une ville désertée, mais dont les rues sont livrées aux pires criminels, qu’entre Napoléon.

Parmi les prisonniers libérés, Anatoli Lenski. Celui-ci s’est mis à dos Kolya, l’ogre de Moscou, enfermé pour avoir tué des enfants, qui l’a menacé de s’attaquer à son fils et à sa femme. Lenski part alors à la recherche de sa famille, pour les protéger, dans une ville en flamme, dans laquelle patrouillent les soldats de la Grande Armée…

Avis

> L’avis de T

En quelques pages seulement, le décor est posé : on découvre d’abord la prison de l’Ostrog, où de nombreux criminels cohabitent, dans une ambiance de violence et de brutalité. Ici, on fait la connaissance d’Anatoli Lenski, qui s’en prend à Kolya, l’ogre de Moscou, une sombre brute. Sans transition – sinon dans les couleurs -, on passe à l’état-major russe, où la décision d’abandonner Moscou est prise. Le comte Rostopchine se rend alors à la prison de l’OStrog, et libère les prisonniers, avec une seule consigne : que Moscou n’échoie pas aux français !

En 7 pages, le décor est posé. La place est désormais libre pour que l’opposition entre Anatoli Lenski et Kolia puisse se dérouler, non sans avoir une influence sur l’Histoire. De ci, de là, on suit l’arrivée de Napoléon et son attente d’une reddition russe qui ne viendra pas, préparant la voie à une retraite qui mènera à… la Bérézina !

Tout cela est extrêmement efficace, les dessins – même si, par moment, j’ai eu quelques difficultés à reconnaître certains personnages – accompagnent bien l’ensemble dans leur débauche de couleurs, notamment incendiaires. Et j’ai découvert une partie de l’histoire dont j’avoue que les détails m’avaient pour l’essentiel échappés.

Anatoli Lenski, personnage central de cette histoire, ne laisse pas indifférent. On ne va pas forcément jusqu’à se prendre d’amitié pour lui – il est trop rigide, trop raide pour cela -, mais on suit son périple avec intérêt et on partage son inquiétude pour les siens. Puis, en en découvrant davantage sur lui, on comprend son ambivalence. Au final, on retient que des hommes – pas des héros, des hommes – peuvent être brisés par la marche des événements, par l’Histoire.

Cette bande dessinée m’a beaucoup plu. Je trouve son propos intelligent et sensible ; le travail historique effectué – on retrouve un cahier de 9 pages avec quelques mots de décryptage et des croquis en fin d’ouvrage – est de qualité ; les dessins accompagnent bien l’esnemble, avec des ambiances tranchées. Bref, je recommande chaudement à toutes celles et ceux qui veulent en savoir plus sur ce mois de septembre 1812 à l’occasion duquel Napoléon aurait pu toucher au but, et qui a, en réalité, constitué la première étape de sa chute !

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